Human de Yann Arthus-Bertrand

"Qu'est-ce qui nous rend humains ? Est-ce le fait d'aimer, est-ce le fait de lutter ? Le fait de rire ? De pleurer ? Notre curiosité ? Notre quête de découvertes ?
Poussé par ces questions, le réalisateur et photographe Yann Arthus-Bertrand a passé trois années à collecter les histoires de 2 000 femmes et hommes dans 60 pays. Avec son équipe passionnée de traducteurs, journalistes et cameramen, Yann a capturé en profondeur les émotions et les sujets qui nous unissent tous : les luttes contre la pauvreté, la guerre, l'homophobie et le futur de notre planète, mêlées à des moments d'amour et de bonheur."

J'ai commencé à regarder la première vidéo, mais, bien que ce soit très bien filmé, il y a un côté téléréalité qui m'a barbé. Quelques belles photos, des chants très beaux.

Cela n'a strictement rien à voir avec la téléréalité.

Pour moi, j'ai trouvé les images très belles, j'ai moins aimé le côté un peu trop noir, mais tellement réaliste de la société des hommes, je n'ai pas encore compris ce que Yann A.B a voulu faire. Je viens de regarder la seconde vidéo, tout cela n'est pas en faveur des hommes ! j'attends d'avoir visionné la dernière pour avoir une idée complète de son intention.

Puisque ce film peut faire débat, voici un entretien avec l'auteur :

ICI

J'ai commencé par le deuxième (pourquoi ? je ne sais pas) et mon dieu que c'est triste !!! Nous savons tout cela est il besoin de nous le rappeler ??? Pensez vous que ceux qui visionnerons ce film seront les mêmes qui déclenchent les guerres ???

je l'ai effectivement trouvé beaucoup trop d'actualité, mais pour certains une piqûre de rappel, si douloureuse soit elle, n'est pas de trop. Chacun vit dans son petit confort, avec ses petits ou gros problèmes, mais lève rarement les yeux pour voir autour de lui.
je me suis efforcée de visionner les 3. Le dernier montrait pas mal d sourires mais bien vite ils se sont effacés devant la réalité. Dommage, j'aurais aimé qu'il finisse sur une note d'espoir...

Oui, toute cette misère physique et mentale, il ne sert à rien de la montrer si on n'apporte pas de solutions et un peu d'espoir.

Exact, mais pourquoi n'apporte-t-elle rien ? simplement parce que chacun pense que c'est aux autres d'agir ! l'égoïsme est partout, l'indifférence encore pire.

je crois que nous pouvons tous agir à notre façon et à notre niveau. Bien sûr nous n'allons pas pouvoir faire grand chose au niveau international, mais à notre porte oui.

Qui prend le temps en donnant une pièce à un SDF de lui parler, de lui sourire ? qui parle à un handicapé dans son fauteuil roulant ? qui ensoleille la triste journée d'une caissière dans un super-marché, simplement en étant aimable et souriante ? Tout cela ne coûte rien sinon un peut d'attention aux autres.

Avant hier, nous nous sommes rendues à Auchan Chaton et moi, dès notre arrivée dans le hall, nous avons été saluées avec de grands sourires par la personne qui s'occupe du petit rayon de sandwiches face à l'entrée, elle n'est là qu'à l'heure du déjeuner. Je la connais depuis près de 40 ans, car elle était déjà employée par les enseignes précédentes. Elle était heureuse de nous voir et nous aussi. Cela met de la joie au cœur de chacune.

Quand je vais du côté de chez Chaton, je rencontre depuis des années un jeune homme dans son fauteuil. Accidenté de la route il a conduit trop vite sa voiture ai-je compris. Donc, même si je passe en voiture à côté de lui, je m'arrête et nous entamons une petite conversation, idem si je suis à pied, nous nous entendons très bien et nous aimons l'un et l'autre ces échanges informels. Ici, je pense souvent à lui. j'ai vraiment passé de bons moments en sa compagnie l'hiver quand je résidais là-bas, on se voyait toutes les semaines.
Tout cela est faisable par chacun d'entre nous, ce n'est pas difficile et cela nous apporte beaucoup de bonheur de part et d'autre.
Et puis je pense que ces minuscules actions peuvent faire boule de neige...

Entièrement d'accord, un sourire, une parole, un petit geste, tous ces petits riens qui font beaucoup.
Comme Chaton et toi, j'essaie dès que je peux de faire de même.

Avec Human, le photographe-réalisateur a mis en boîte une humanité qui broie du noir. Et cela, à travers une galerie de portraits de citoyens du monde, visible au cinéma et à la télévision. Incontournable!

D'où vous est venue l'idée de réaliser Human?

En vieillissant, j'ai eu envie de faire un film qui va à l'essentiel, qui nous interroge sur le sens de la vie, de la guerre, de l'amour, de la religion, de l'économie... Il faut rester humble devant ce film. Il est le fruit de ce que les gens nous ont donné.

Comment avez-vous choisi les quelque soixante témoignages parmi les deux mille réalisés?

Ce fut un énorme travail! On a fait à l'instinct, par thème. Après le premier montage, le film faisait 12 heures. Là, on a une version cinéma de 3 h 15 et une autre, pour la télévision, de 2 h 10.

Lequel vous a le plus touché?

Peut-être celui de ce type qui a tué une mère et sa fille, et qui est pardonné par leur grand-mère... On a tous en nous le pire et le meilleur de l'homme. C'est une belle leçon de vie. J'aimerais que ce film ouvre le règne de la bienveillance.

Le film invite à l'introspection. Mais quel human êtes-vous?

J'essaie chaque jour d'être un peu moins con! Et j'ai encore un grand chemin à faire. (Rires.) Réussir sa vie professionnelle, on peut toujours y arriver. Mais réussir sa vie d'homme, c'est plus compliqué. Ce film nous ramène à nous. Quand j'entends le silence à la fin d'une projection, je sens qu'il se passe quelque chose autour de Human. L'engagement et l'enthousiasme de France 2 vont dans ce sens. La chaîne nous laisse prendre l'antenne à 20 h 50 et la rendre à 4 heures du matin!

Est-ce pour parer aux critiques que vous avez pris les devants en annonçant que le bilan carbone nécessaire au tournage de ce film serait compensé par des actions de votre association?

J'ai mis cela en place en 2002 et, aujourd'hui, alors que tout le monde se moque du bilan carbone, je continue. Avec sérénité.

Dans son prochain livre (à paraître le 10 octobre chez Robert Laffont, ndlr), Michel Drucker raconte un déjeuner avec vous, à Roland-Garros. Et il dit à votre propos: «Cet homme ne parle que de lui»...

Il a sûrement raison, tant arrive un moment où vous êtes envahi par ce que vous faites. La passion déborde. Ma famille me le reproche parfois. J'ai peut-être mérité ce qu'il dit ; à la seule nuance que je ne parle pas de moi, mais de ce que je fais.

Quel sera pour vous l'après-Human: un Human 2?

J'aimerais que les salles soient pleines et que les gens le regardent à la télévision. Et aussi que les municipalités qui ne disposent pas de cinéma nous contactent via l'Association des Maires de France. Nous leur enverrons un Blu-ray. Ces témoignages doivent être vus par le plus grand nombre! Après, j'ai proposé à France 2 un projet d'émission sur la notion d'engagement, où l'on parle de partage et d'amour. Pour moi, les bons sentiments ne sont pas ringards. À bientôt 70 ans, c'est même ce qui me rend plus heureux aujourd'hui.

Propos recueillis par Patrice Gascoin source